La première fois que j’ai entendu parler de psychanalyse, je devais avoir une dizaine d’années. Mes parents avaient un couple d’amis, tous les deux en analyse. Il y avait quelque chose d’admiratif dans la voix de ma mère quand elle en parlait. Puis elle continuait avec un: « Ah, si j’avais des sous, je ferai une psychanalyse!” Leurs amis ne semblaient pas rouler sur l’or, mais ils avaient l’air heureux. Puis, quelques années plus tard, c’est Freud qui s’est invité dans les conversations familiales, quand ma mère a repris des études à la fac de Vincennes: il y avait une UV psycho! Mais quand mon frère fut en souffrance à l’entrée de l’adolescence, la psychanalyse s’est éloignée d’un coup: “Ce sont les fous qui consultent, il n’y a pas de fous chez nous!”
Freud est revenu quand je suis arrivé en philo, l’année du bac. C’était au programme. J’ai découvert avec méfiance et curiosité les “Cinq Leçons de psychanalyse”, parvenant enfin à élaborer une pensée autour de celui dont ma mère me lançait malhabilement le nom au visage lorsque, crise d’adolescence aidant, je reprochais tant et tant de choses à mes parents: “Tu fais ta crise d’ado, Freud l’a écrit, ça te passera.”